Eric Simard, auteur jeunesse

Je suis né en 1962 à Joigny, dans la vallée de l'Yonne. Adolescent, j'ai voulu être basketteur professionnel. Je n'avais qu'une envie : ressembler aux stars que je côtoyais dans mon club. Malgré toute ma bonne volonté, je n'ai pas réussi à réaliser ce rêve !

J'ai finalement intégré une école : l'INSA de Lyon. A 23 ans, j'ai obtenu un diplôme d'ingénieur biochimiste que je n'ai jamais utilisé. J'ai éprouvé le besoin de rejeter le monde froid de la science… et je l'ai fait. Je pense qu'il est fondamental d'aller au bout de qu'on ressent, même si ce n'est pas toujours facile. J'ai voyagé pendant quelques temps, puis j'ai travaillé pendant quatre ans comme intervenant dans les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis. J'avais 26 ans et à travers cette expérience, j'ai beaucoup appris et grandi. A la même époque, ma rencontre avec Démosthènes Davvetas, un poète grec, a orienté ma vie vers la littérature. Après avoir travaillé 2 ans en librairie, je suis parti en Bretagne pour écrire sur le monde celte... et je n'en suis pas revenu ! Je vis actuellement entre Saint-Malo et le Mont-Saint-Michel.

Extrait d'un entretien réalisé par Laure Ricote, visible sur le site : www.actusf.com

Quelles sont ou quelles ont été vos influences (littéraires, cinématographiques, musicales…) ?

La poésie sous toutes ses formes, à savoir, les œuvres, les êtres, les lieux qui m'exaltent et déclenchent mon enthousiasme. La poésie synonyme d'émerveillement et de jongleries inventives, mais aussi d'engagement. Une volonté de discerner et de transmettre sans fard la réalité, en traquant le mensonge à une époque où beaucoup de choses avancent masquées ou avec une débauche de poudre aux yeux. Des paysages et des lumières comme ceux que j'ai trouvés en Irlande et en Grèce, des œuvres comme celles de W.B Yeats, Christian Bobin, Ridley Scott, Sturgeon, Brassens, Piaf, Billie Holiday, Prévert, Yannis Ritsos, Tarkovski, Cassavetes, Chaplin, Van Gogh, Baudelaire, Beuys, Shaun Davey et bien d'autres encore… Des personnages comme Cassius Clay en sport, des explorateurs comme Shackleton ou Knud Rasmussen, des étoiles comme Gandhi, le Dalaï Lama ou Nelson Mandela.

Pourquoi avez-vous choisi d'écrire pour la jeunesse ?

Et pourquoi avoir choisi principalement le genre fantastique ? Je n'écris par pour les enfants, mais avec mon enfance. Mes histoires sont un peu le prolongement du journal intime que je tenais adolescent. Lorsque j'ai montré mes premiers textes, on m'a annoncé qu'ils pourraient trouver leur place en littérature jeunesse. J'ai sans doute dès le début eu besoin d'exprimer une part de moi, enfouie pendant mes premières années. J'aime confronter le monde ordinaire à des mondes non ordinaires (rêves, légendes, au-delà, vie extra-terrestre…) et observer comment se déploie le champ des possibles.

Science-fiction, fantastique, policier… Vous mélangez tous les genres. D'où vous vient votre inspiration ?

Je déteste les barrières. L'écriture peut naître de correspondances ancrées dans notre quotidien, dans notre imaginaire, ou envisagées dans le futur. Elle peut avoir besoin d'une intrigue à suspens pour se développer. Elle peut être tout cela à la fois…

Certains de vos romans sont des romans fantastiques s'appuyant sur des légendes celtiques. D'où vous vient cette fascination pour le peuple celte et ses légendes ?

La culture celtique porte en elle une poésie que je retrouve difficilement dans l'esprit latin. Pendant des siècles, elle a résisté aux terribles persécutions anglaises et en est sortie plus forte, plus sensible. Je vous invite à fermer les yeux, à écouter les mélodies et les voix celtes…

Avez-vous des sujets tabous que vous ne voulez pas aborder dans vos livres ? Quelles sont les difficultés majeures lorsque l'on veut écrire un roman pour un jeune public ?

J'aborde les thèmes qui me touchent aujourd'hui, sur lesquels j'ai besoin de travailler, de témoigner et qui stimulent mon imagination. Les difficultés majeures quand j'écris un roman restent inchangées chaque fois que j'allume mon ordinateur : vais-je être à la hauteur de mon aventure ? Serai-je capable d'aimer mes personnages, même les plus noirs ? Aujourd'hui, un certain nombre de titres publiés en littérature jeunesse intéressent aussi un lectorat adulte. Leur fraîcheur, leur audace et leur poésie surprennent. La frontière entre les deux littératures est beaucoup moins évidente qu'autrefois. Je note d'ailleurs que la collection " Autres Mondes ", chez Mango Jeunesse, est pour tout lecteur.

Dans de nombreux romans, vous parlez des animaux et de leurs relations avec les hommes : Les chimères de la mort, Le chant sacré des baleines, Jimmy la terreur… Pourquoi ? Quelles sont vos relations avec les animaux ? Est-ce un thème qui vous porte à coeur ?

Oui. D'une certaine manière, je répète la même chose à chaque histoire : respecter la nature est se respecter soi-même. Le comportement de l'homme occidental vis à vis des animaux, de la forêt ou de la Terre en général, témoigne de son mépris et de son arrogance. Les sciences ont permis à notre civilisation de faire un bond prodigieux. Et c'est très bien ! Mais la machine s'est emballée… Nous voulons désormais tout régenter pour notre profit, en oubliant l'équilibre fragile instauré sur Terre depuis des millions d'années. Les termes " nuisibles " et " utiles " illustrent bien cette arrogance. Des espèces sont massacrées, des forêts saccagées pour des profits à court terme. Nous sommes une goutte d'eau qui veut imposer ses lois à l'océan !

Vous devez recevoir des réactions d'enfants quant à vos romans. Comment les perçoivent-ils ?

Lors de mes rencontres avec les très jeunes lecteurs, je témoigne de ma nécessité d'exprimer mes émotions à travers l'écriture. Je parle de la colère, de la joie, du sentiment d'injustice, de la tristesse, des rires. Je fais écouter aux enfants des mélodies qui m'ont accompagné dans l'écriture de certains chapitres et je leur demande de reconnaître ces chapitres. Ils sont très forts ! Expliquer comment ils perçoivent mes romans est impossible. J'espère qu'ils les font rêver, vibrer et peut-être réfléchir. Avec les plus âgés, je discute volontiers de la place de l'Homme à une époque comme la nôtre. Le thème de la " différence " (génétique, culturelle et autres…) est très présent dans mes livres. C'est pour eux l'occasion de s'exprimer et de prendre position.

Quels sont vos projets ?

Continuer de m'exprimer à travers l'écriture. Je peux le faire aujourd'hui aux côtés de personnes de confiance et de qualité, sensibles à mon travail, comme Jack Chaboud (Magnard) et Denis Guiot (Mango). M'engager toujours plus sur les questions sensibles de notre époque.

Question subsidiaire : Qu'est-ce que vous vouliez devenir lorsque vous étiez enfant ?

Basketteur ou archéologue pour retrouver les traces de civilisations oubliées.

Pour voir également l'interview d' Elise Sainson, cliquer ici